Ponce-Denis Écouchard-Lebrun


Ode


Grâce à la Muse qui m’inspire,
Il est fini ce monument
Que jamais ne pourront détruire
Le fer ni le flot écumant.
Le ciel même, armé de la foudre
Ne saurait le réduire en poudre :
Les siècles l’essaieraient en vain.
Il brave ces tyrans avides,
Plus hardi que les pyramides,
Et plus durable que l’airain.
 
Qu’atteste leur masse insensée ?
Rien qu’un néant ambitieux :
Mais l’ouvrage de la pensée
Est immortel comme les dieux.
Le temps a soufflé sur la cendre
Des murs qu’aux rives du Scamandre
Cherchait l’ami d’Éphestion ;
Mais quand tout meurt, peuples, monarques,
Homère triomphe des Parques
Qui triomphèrent d’Ilion.
 
Sur les ruines de Palmyre
Saturne a promené sa faux ;
Mais l’univers encore admire
Les Pindares et les Saphos.
Frappé de cette gloire immense,
Le fameux vainqueur de Numance,
Par tant de palmes ennobli,
Voulut qu’en sa tombe honorée
D’Ennius l’image sacrée
Le protégeât contre l’oubli.
 
Cet hymne même que j’achève
Ne périra point comme vous,
Vains palais que le faste élève,
Et que détruit le temps jaloux.
Vous tomberez, marbres, portiques,
Vous dont les sculptures antiques
Décorent nos vastes remparts ;
Et de ces tours au front superbe
La Seine un jour verra sous l’herbe
Ramper tous les débris épars.
 
Mais tant que son onde charmée
Baignera l’empire des lys,
De ma tardive renommée,
Ses fastes seront embellis,
Elle entendra ma lyre encore
D’un roi généreux qui l’honore
Chanter les augustes bienfaits,
Ma lyre, qui dans sa colère
A d’une Thémis adultère
Consacré les lâches forfaits.
 
Élève du second Racine,
Ami de l’immortel Buffon,
J’osai, sur la double colline,
Allier Lucrèce à Newton.
Des badinages de Catulle
Aux pleurs du sensible Tibulle
On m’a vu passer tour à tour ;
Et sur les ailes de Pindare,
Sans craindre le destin d’Icare,
Voler jusqu’à l’astre du jour.
 
Comme l’encens qui s’évapore
Et des dieux parfume l’autel,
Le feu sacré qui me dévore
Brûle ce que j’ai de mortel.
Mon âme jamais ne sommeille.
Elle est cette flamme qui veille
Au sanctuaire de Vesta ;
Et mon génie est comme Alcide
Qui se livre au bûcher avide,
Pour renaître au sommet d’Oeta.
 
Non, non, je ne dois point descendre
Au noir empire de la mort :
Amis ! épargnez à ma cendre
Des pleurs indignes de mon sort.
Laissez un deuil pusillanime :
Croyez-en le dieu qui m’anime ;
Je ne mourrai point tout entier.
Eh ! ne voyez-vous pas la gloire
Qui, jusqu’au temple de mémoire,
Me fraie un lumineux sentier ?
 
J’échappe à ce globe de fange :
Quel triomphe plus solennel !
C’est la mort même qui me venge :
Je commence un jour éternel.
Comme un cèdre aux vastes ombrages,
Mon nom, croissant avec les âges,
Règne sur la postérité.
Siècles ! vous êtes ma conquête ;
Et la palme qui ceint ma tête
Rayonne d’immortalité.
 

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