Raoul Ponchon

in Le Journal, 7 juin 1897


L’Exposition d’horticulture


 
Ô délicieux jardiniers,
Qu’il est heureux que vous veniez
Chaque année, aux mois printaniers,
 
Secouer vos lys et vos roses.
Sur nos misérables névroses,
Sur nos ténèbres et nos proses !
 
Vous nous dites : « Tenez, voilà
Des fleurs qu’aucun art n’égala,
Qu’avez-vous à dire à cela ?
 
» Laissez pour un temps vos ordures,
Vos politiques, vos peintures ;
Venez à nos horticultures.
 
» Vous chercheriez en vain ailleurs
Les belles formes et couleurs
Qui se rencontrent dans ces fleurs.
 
» Regardez comme elles sont braves ;
Nous en avons fait nos esclaves,
Nous, les chefs des odeurs suaves.
 
» Robert même de Montesquiou
Qui les chanta sur son biniou
N’en vit pas de telles à Kiew.
 
» Il n’est que la chair de la femme
Qui soit de plus subtile trame,
Encor le jardinier. réclame...
 
» Il n’est que la flore des yeux
Qui puisse lutter sous les cieux
Avec ces joyaux précieux.
 
» Leur vue est bonne et salutaire
Elles sont un peu du mystère
Qui s’agite entre ciel et terre.
 
» Ne les touchez qu’avec égard,
Elles parlent d’amour et d’art,
Elles façonnent le regard.
 
» Toutes me causent des surprises.
Que voulez-vous que je vous dise ?...
Rien qu’à les nommer, je me grise.
 
» Ces pivoines flambant d’orgueil
Sont-elles pour vous salir l’œil
Et pour vous mettre l’âme en deuil ?
 
» Ces iris sont-ils sans répliques ?
Bien sûr ! ces lys hyperboliques,
Séraphiques, archangéliques ?
 
» Ne voilà-t-il pas des pavots
Vastes, magnifiques, nouveaux ?
Sur eux, je crois, rien ne prévaut.
 
» Ces œillets fous, ces azalées,
Ces primevères étoilées
Défient toutes langues parlées...
 
» Où trouver de plus fabuleux
Que ceux-ci hortensias bleus
Ô Montesquiou ! toi seul en pleus.
 
» Eh bien ! et, qu’est-ce que vous dites
De ces exquises clématites ?
Moi, je leur crois tous les mérites ;
 
» Sont-elles pas, en vérité,
Des miracles de pureté
De grâce et de fragilité !
 
» Voici le lot des orchidées
Que l’on croit d’abord possédées
De Belzébuths et d’Asmodées.
 
» Plus d’une d’elles marque mal ;
Son effort hésite, anormal,
Vers la fleur ou vers l’animal ;
 
» Mais ces plantes bien que toquées,
Paradoxales, compliquées,
N’ont pas besoin d’être expliquées...
 
» Et puis... que vous dirai-je, moi ?
Les fleurs, ça n’a rien d’iroquoi
Pour ceux qui possèdent la foi.
 
» Eh bien ! c’est à nos grosses pattes
Que vous devez ces délicates
Fleurs. Hein ! c’est ça qui vous épate ?
 
» Oui, c’est avec ces rudes mains
Que, pour parfumer vos chemins,
Nous sublimâmes ces jasmins ;
 
» Que ces roses les avons faites
Plus suaves et plus parfaites
Pour vos femmes et pour vos fêtes ;
 
» Les avons faites à loisir
Et selon notre bon plaisir.
Et selon notre beau désir.
 
» Nous majorâmes les délices
De leurs voluptueux calices,
Les parfums comme les mélisses.
 
» Et maintenant, mes chers enfants,
Que si vous n’êtes pas contents
Repassez au prochain printemps. »
 
 

*
* *


 
« Hélas ! voici des fleurs coupées,
Oui, mais qu’artistement groupées
Par de japonaises poupées ! »
 

  Mme Marimoto, Japonaise, a obtenu une médaille d’or pour ses bouquets. On ne saurait rien voir, en effet, de plus ingénieux. Nos plus célèbres fleuristes pourraient lui demander des leçons. — R. P.


Commentaire (s)
Votre commentaire :
Nom : *
eMail : * *
Site Web :
Commentaire * :
pèRE des miséRablEs : *
* Information requise.   * Cette adresse ne sera pas publiée.
 


Mon florilège

(Tоuriste)

(Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.)

Compte lecteur

Se connecter

Créer un compte

Agora

Évаluations récеntes
☆ ☆ ☆ ☆ ☆

Villоn : Βаllаdе [du соnсоurs dе Βlоis]

Τаinе : L’Εnfаnсе

Βаudеlаirе : Fеmmеs dаmnéеs — Dеlphinе еt Hippоlуtе

Lаfоrguе : Μédiосrité

Сhéniеr : Lа Jеunе Саptivе

Βаudеlаirе : Μаdrigаl tristе

Riсtus : Lеs Μоntе-еn-l’аir

Ρоzzi : Νух

Sсèvе : «Τаnt је l’аimаi...»

Hugо : «Jеunеs gеns, prеnеz gаrdе аuх сhоsеs quе vоus ditеs...»

☆ ☆ ☆ ☆

Lа Fоntаinе : Lеs Οrеillеs du Lièvrе

Jаmmеs : Βrugеs

Lаvаud : Ρоrts

Vеrhаеrеn : Dеuil

Соuté : Lеs Μаins blаnсhеs, blаnсhеs

Lаutréаmоnt : «Lе frèrе dе lа sаngsuе mаrсhаit à pаs lеnts dаns lа fоrêt...»

Rоnsаrd : «Νе s’еffrоуеr dе сhоsе qui аrrivе...»

Cоmmеntaires récеnts

De Сосhоnfuсius sur L’Αngе (Lоuÿs)

De Сосhоnfuсius sur L’Αbsinthе (Ρоnсhоn)

De Сосhоnfuсius sur Lеs Étоilеs blеuеs (Rоllinаt)

De Lе соmiquе sur Μаdrigаl tristе (Βаudеlаirе)

De Сhаntесlеr sur «Sur mеs vingt аns, pur d’оffеnsе еt dе viсе...» (Rоnsаrd)

De Jаdis sur Τаblеаu rurаl (Соppéе)

De Gеоrgеs sur À lа mémоirе dе Zulmа (Соrbièrе)

De Guillеmеttе. sur «Lе bеаu Ρrintеmps n’а pоint tаnt dе fеuillаgеs vеrts...» (Lа Сеppèdе)

De Guillаumе sur Αbаndоnnéе (Lоrrаin)

De Lа Μusérаntе sur Hоmmаgе : «Lе silеnсе déјà funèbrе d’unе mоirе...» (Μаllаrmé)

De Сurаrе- sur Αdiеuх à lа pоésiе (Gаutiеr)

De Сurаrе- sur «J’еntrеvоуаis sоus un vêtеmеnt nоir...» (Μаgnу)

De Сurаrе- sur «Се соrps défiguré, bâti d’оs еt dе nеrfs...» (Sigоgnе)

De Jаdis sur «Viсtоriеusеmеnt fui lе suiсidе bеаu...» (Μаllаrmé)

De Gеоrgеs Lеmаîtrе sur «Lе sоir, аu соin du fеu, ј’аi pеnsé biеn dеs fоis...» (Соppéе)

De Jаdis sur Lе Vœu suprêmе (Lесоntе dе Lislе)

De Сhristiаn sur «J’еntrаis сhеz lе mаrсhаnd dе mеublеs, еt là, tristе...» (Νоuvеаu)

De Ρépé Hаsh sur «Сеpеndаnt qu’аu pаlаis dе prосès tu dеvisеs...» (Du Βеllау)

De Vinсеnt sur Τоmbеаu du Ρоètе (Dеubеl)

De Xi’аn sur «Μоn âmе pаisiblе étаit pаrеillе аutrеfоis...» (Τоulеt)

De Сhristiаn sur Соntrе Ligurinus : «Τоut lе mоndе tе fuit...» (Dubоs)

Plus de commentaires...

Flux RSS...

Ce site

Présеntаtion

Acсuеil

À prоpos

Cоntact

Signaler une errеur

Un pеtit mоt ?

Sоutien

Fаirе un dоn

Librairiе pоétique en lignе